Ce vendredi débute le tournage de Ganesha. Trois jours pour un plan-séquence. Le réalisateur appréhende un peu… Du coup, il écrit.
L’appréhension du tournage… Je n’ai pas trop lu de choses là-dessus dans les revues ou les bouquins de cinéma. Comme si on en parlait assez peu en fait. Ce vendredi, nous filmons notre court-métrage, Ganesha. Trois jours durant pour mettre en boîte ce plan-séquence sur lequel nous travaillons depuis des mois.
Et vous savez quoi ? Tout n’est pas prêt. Des costumes à essayer, de la technique à mettre au pas… Ce ne sont pas des broutilles. Mais, comme toujours, le temps nous manque. Nous avons la lumière, nous avons l’image et les décors, les accessoires et notre homme-éléphant. Tant d’éléments à mettre en musique dans ce bal barré.
On a parfois du mal à se dire que seulement un peu plus de six mois nous séparent de la première réunion. « Il nous faut des décors de 5 sur 6 m, et de 3 m de haut ! Il nous faut la réplique de cette cathédrale anglaise ! Il nous faut une salle qui en jette comme quartier général !, etc. »
RIEN LACHE
Je ne sais pas si le film sera bon mais cela restera sans doute le plus harassant que nous avons jamais fait. Pas que je me plaigne. Et la raison est toute simple. Le choix du plan séquence concentre les difficultés. Quand on filme un court-métrage scène par scène, on résolve les problèmes… scène par scène. Là, tout n’est qu’un bloc.
Au temps des Charles Jude, je jouais facilement à ce jeu du « ça fera l’affaire », puisque cela faisait partie de l’ADN du projet. Pour Ganesha, on n’a rien lâché. Rien du tout. Ce qui fait que, même sur ce que nous n’aurons pas pu obtenir, finalement, nous ne pouvons pas avoir de regrets. Nous avons bossé sur chaque petit accessoire. Tout détail compte et aura un impact. Le spectateur n’en a que partiellement conscience mais l’ensemble des accessoires et le soin qu’on y apporte tranche entre le ridicule et le crédible. La frontière ne tient parfois qu’à une montre à gousset.
Plusieurs longs-métrages le démontrent terriblement bien. On pourrait encore évoquer Blade runner. Le soin apporté à l’appartement de Deckard, le héros, tient du cas psychiatrique. Des visiteurs, sur le tournage du film de Ridley Scott, diront qu’on « avait l’impression que quelqu’un y vivait depuis des décennies ». Mais on peut tout aussi bien rappeler la précision d’un décor comme celui de Cuisine et dépendances, une magnifique réalisation sur quelques bouts de mètre carré. Assiettes, décoration, tire-bouchon… tout y est pour que cette petite pièce donne vie aux textes. Car, contrairement à ce qu’on pourrait croire, le film de Jaoui & Bacri n’a pas pris ses quartiers dans une véritable cuisine mais dans un décor monté de toute pièce pour un tournage en studio…
SORTIE DE SECOURS
C’est ce que je me suis répété ce dernier week-end, en m’activant à fabriquer une fausse fenêtre (il faut que la peinture de l’appui cloque), en dégottant enfin une véritable redingote XIXe au fin fond d’un vide-grenier, en faisant mariner une blouse de médecin dans du thé fort pour lui donner un aspect terreux, ou en recevant (enfin !) un gilet de costume victorien avec un col (ceux qu’on le fabrique aujourd’hui en sont dénués), en bricolant des portraits à encadrer, ou en assemblant le lit de Ganesha (je suis très fier de cette pièce). Reste un risque : Ganesha est un one-shot. Passés les trois jours, c’est terminé. Si nous réussissons notre plan-séquence. Dans le cas contraire, pas de porte de sortie. Dans la BD The Dark knight returns, de Franck Miller, Batman sort de son véhicule affronter le chef de la bande des mutants. Son majordome, Alfred, lui crie par radio interposée : « Monsieur, vous avez désactivé tous les mécanismes de défense à distance de la batmobile ! » Le Chevalier noir : « Je ne veux pas ménager de sortie de secours. Je serais tenté de l’utiliser. » C’est une bonne philosophie.
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