Vendredi 8 juillet (20h30), Ganesha va connaître sa première vannetaise. Notre court-métrage est projeté au cinéma La Garenne, lors d'une soirée consacrée aux films autoproduits/amateurs. Et à cette distinction, qui interroge...
Autoproduction ou amateur ? La discussion est sans fin dans le milieu un peu anonyme des faiseurs de films locaux. Quelque part, on serait tenté, moi le premier, de classer ce débat dans la catégorie « Sans intérêt ». Après tout, le spectateur s'en fiche. L'important, c'est ce qu'il voit sur l'écran. Derrière cette désignation se cache pourtant un vrai débat : comment situer ce cinéma produit en-dehors des circuits officiels ?
EN DEBAT LE 8 JUILLET
Ce sera certainement l'une des questions que l'on passera en revue vendredi 8 juillet. A l'occasion de la projection du court-métrage Ganesha, au cinéma La Garenne de Vannes (20h30), une table ronde est organisée. Son thème ? « Pour quoi et pour qui réaliser des films amateurs ? » Elle réunira le réalisateur de Ganesha (c'est-à-dire moi...), un représentant du Festival du film à l'ouest et Rémi Duquenne, fondateur du feu festival Amateurs-nés.
Savoir comment situer, comment considérer la production amateur et ses variantes ne se posait pas il y a encore cinq ans environ. Tournés avec le caméscope familial, sans trop de moyens, relativement confidentiels jusque 2005 environ (on l'oublie mais Youtube a à peine 10 ans), les films amateurs réunissaient (sauf quelques rares exceptions émérites) des vidéos de copains férus de ciné. Sans autre ambition que celle de s'amuser un peu ou de s'exprimer par un canal moins couru que l'écriture ou la musique.
La situation a radicalement changé. Emmenée notamment par les fans-films anglosaxons (des courts-métrages de fans réalisés dans des univers culturels comme Star Wars ou Harry Potter), la production a gagné en quantité, en qualité... et en ambition. Diffusée largement par le Web, la pratique du film amateur a connu une progression exponentielle. L'explosion du Net étant survenue de conserve avec l'arrivée de nouvelles technologies, performantes et peu onéreuses (comparé aux matériels professionnels). L'apparition d'appareils photo reflex doués de vidéo, avec une qualité proche de « la pellicule numérique » (rappelons au passage que le premier à avoir pensé utiliser le fameux Mark II 5D de chez Canon pour la fiction est un Breton, le Nantais Charlie Mars) a aboli l'image cheap et lisse typique du caméscope, celle du film de potes. Les logiciels de montage, plus accessibles, ont joué également un rôle dans cette démocratisation des moyens techniques. Mais, selon moi uniquement, c'est surtout l'apparition d'une véritable communauté autour du film autoproduit/amateur qui a été la clé de cette production massive de vidéo.
QUAND LES AMATEURS SE SONT FORMES
Tutoriels sur les effets spéciaux, forums sur la grammaire cinématographique, making-of officieux, partage de compétences via le web... Alors qu'il y a 10 ans, apprendre à « faire du cinéma » relevait du parcours du combattant (hors écoles spécialisées, on ne trouvait pas grandes ressources documentaires), on ne compte plus les groupes Facebook et autres communautés en 2016. Forcément, mieux formés, les réalisateurs amateurs ont commencé à créer des produits largement plus finis, plus fignolés. Se passant les tuyaux entre eux (volontairement comme involontairement d'ailleurs), les films sont devenus plus techniques. Mais jusque dans les années 2010, finalement, la production restait 100% amateurs. On tournait toujours entre potes autodidactes.
Et puis les lignes ont commencé à se flouter. En quête d'ambition, parfois avec comme objectif justement de passer pro, les amateurs ont commencé à inviter de « vrais professionnels » sur leurs tournages. Des techniciens mais aussi des comédiens, entre autres, sont entrés dans la danse. Bénévolement pour la plupart. Là encore, le mouvement s'est accéléré. Et les productions « hybrides », mêlant votre meilleur copain et le directeur de la photo en retraite dans les mêmes projets, sont apparus à raison d'une toutes les 10 secondes sur le Web (chiffre à peine exagéré : en 2012, leu feu service Web série de Dailymotion recevait entre 6 et 10 nouveaux projets par semaine...).
Pour les meilleurs de ces films « hybrides », l'ambition n'était pas de rivaliser avec les productions pros -les « bons » fans inconditionnels de cinéma ont trop de respect pour ça- mais de dire ce qu'ils avaient à dire de la manière la plus poussée possible. Un peu à l'image d'un musicien amateur qui monte son premier groupe, commence à composer, puis vouloir enregistrer, etc. Et c'est là que le terme « autoproduction » a commencé à pointer le bout de son nez...
Résumons-nous. Un film amateur est par définition un métrage réalisé par des gens non issus des milieux professionnels. On est tous d'accord ? Or comment appeler un film qui associe amateurs et professionnels au sein d'un même projet ? Même s'ils sont tous bénévoles, il ne s'agit plus « que de potes de promo ». Le terme « amateur » n'était alors plus suffisant.
Entendons-nous bien : il ne s'agit pas ici d'aborder le critère de qualité -hors sujet-, mais plutôt la place de ces autoproductions dans le « système ». Comment existent-elles.
SE REMETTRE EN QUESTION
La manière dont sont considérées ces œuvres, sans visa d'exploitation notamment, reste floue. Un exemple : les festivals. Il y a quelques années, jusqu'en 2008-2009 environ, les événements consacrés aux courts-métrages étaient clairs. D'un côté, nous avions les festivals pour films amateurs et de l'autre pour les produits professionnels. Aujourd'hui, les deux se mélangent. Quasi plus aucun événement (et ils sont sacrément nombreux ne serait-ce qu'en France) ne fait la distinction. Ce sont devenus des festivals de courts, tout simplement.
Enthousiasmante au premier abord (au second aussi mais bon faut bien maugréer un peu), cette déferlante de films, ce mélange tout azimut comporte aussi son lot de problèmes. Premier d'entre eux : la ressource financière. La différence entre un amateur et un pro, c'est que le second a fait le choix (souvent courageux) de vivre de son art. Son loyer, il le paye avec ce qu'il produit. L'amateur non. Dans ce cadre, la concurrence de produits amateurs ou « hybrides » peut-il perturber le circuit économique ? Certains pensent d'ores et déjà que, oui, c'est un danger. D'autres, un peu comme moi, que ce n'est pas encore le cas. Que l'autoproduction peut aussi « booster » les circuits pro (mise en lumière de comédiens, de techniciens doués...) et passer des messages (par exemple que, nous aussi, en France, on a envie de voir des films de science-fiction, du fantastique, de l'expérimental et que vu que les pros n'en font pas alors Who you gonna call ?). Ainsi l'autoproduction s'avère un outil formidable pour fédérer les savoir-faire et faire émerger des thématiques, des envies, des talents... mais qu'il faudra la considérer sérieusement, prendre conscience de son existence et des collusions qu'elle peut engendrer avec le monde pro. En tenir compte, c'est déjà correctement la situer.
Après tout ça, une seule solution -évidente mais toujours non appliquée- apparaît. Si on parle de considération, il faut déjà que les « gens du cinéma » -responsables d'associations, productions, critiques et autres- s'y intéressent. Certains d'entre eux -pas tous attention- continuent aujourd'hui d'ignorer les productions « hors-circuit » ou de les envisager avec dédain ou complaisance. Pensant tomber sur une énième parodie de blockbuster loin de leurs propres ambitions. C'est un tort d'ignorer une vague prête à retomber. Et ce qui est développé à travers l'autoproduction (là je pense encore à Charlie Mars) peut nourrir et enrichir le circuit économique sans le phagocyter, une fois qu'on a accepté de l'intégrer.
Dans le même temps, nous devons -nous les amateurs- commencé à faire notre propre introspection et à être clairs sur nos objectifs. Combien de discours à dormir debout de « collègues » entendons-nous à travers les différentes projections auxquelles nous participons. Que penser d'un film aux moyens limités, à la qualité évidemment passable mais dont le réalisateur parle comme « d'un film qui rivalise avec les pros ». Non seulement, c'est ridicule -c'est un grand manque de respect quant à l'histoire du cinéma- mais ça décrédibilise toute tentative d'engagement. Si notre objectif est de vivre une belle aventure 100% amateur et vécue comme telle alors pourquoi vouloir en travestir le résultat ? Avec souvent un paradoxe à la clé : sans en avoir ni la nécessité, ni la contrainte, beaucoup d'entre nous reproduisent les schémas de production pro. Pourquoi ?
Un exemple : le « casting ». Quelle utilité y-a-t'il d'organiser un « casting » au niveau amateur ou en autoproduction ? Quand l'un de nos luxes est justement de pouvoir prendre un temps considérable de pré-production, nous devrions plutôt en profiter pour rencontrer un à un les membres potentiels de notre future équipe, les faire adhérer à notre projet, tenir compte de leurs envies, de leurs idées et partager plus en avant nos objectifs. La rencontre -le partage de connaissance- est l'une des grandes richesses dans le processus ciné. Pourquoi rendre protocolaire quelque chose qui ne l'est pas essence ?
VOUS IMAGINEZ UN ARTISAN SEMI-PROFESSIONNEL ?
Et si notre ambition est de réunir la meilleure équipe possible au sein d'un film que nous avions envie de voir depuis toujours, pourquoi là encore la mettre en opposition avec la production professionnelle ? Nous aussi, nous devons savoir nous situer par rapport au monde pro. Avec simplicité et humilité. Ces gens ont forgé la culture sur laquelle nous nous appuyons pour faire nos propres « petits films ». Et eux s'ils se ratent, c'est leur frigo qui est vide, pas le compteur de vues Youtube.
Défendons nos œuvres pour ce qu'elles sont. Commençons par oublier ces expressions ridicules -malheureusement à la mode- telles que « notre film est de qualité semi-professionnelle ». Cela ne veut rien dire. Vous imaginez un artisan semi-professionnel ? Il vous installe la porte mais pas la serrure ? Ne cherchons pas à rivaliser avec nos modèles. Mais épousons leurs principes. Etudions, absorbons, digérons leurs enseignements en passionnés. Profitons de notre liberté d'action pour forger nos propres méthodes. Et rappelons-nous que si nous avons choisi une production sur un mode amateur, ou en autoproduction, c'est avant tout par passion, par contrainte parfois, mais aussi parce que cela a été le seul moyen de réaliser nos films.
Au final, chaque variante de la production filmique possède ses avantages et inconvénients. Tourner en amateur, c'est tourner sans moyens, mais aussi sans contrainte de temps ou d'objectifs (du moins commerciaux). Tourner en autoproduction, c'est s'appuyer sur une fédération de pros et d'amateurs au service d'un projet atypique, qui sans doute aurait du mal à se concrétiser rapidement autrement. Tourner en professionnel -c'est faire un choix de vie déjà- qui impose sans doute un long parcours du combattant mais qui (normalement) assure une production et des moyens en lien avec l'ambition d'un projet largement diffusé avec des retombées économiques pour nombre de corps de métier. Seul l'objectif originel ne change pas : montrer sur l'écran ce qu'on a dans le ventre au plus grand nombre. Nous faisons pas la même chose. Mais nous « faisons » et c'est déjà pas mal. Quant à la qualité de notre travail, son rendu, ça, c'est à la salle d'en décider.
PROJECTION DE GANESHA
Vendredi 8 juillet, 20h30, au cinéma La Garenne de Vannes
Accompagnée de la diffusion de cinq autres courts-métrages issus d'Amateurs-nés et du Festival du film à l'ouest.
Suivie d'une table ronde
Soirée organisée par Cinécran
Entrée payante
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