Une idée fixe. Un film représente une somme de détails au service d'un tout artistique. Une succession de choix, bons ou mauvais, collectifs ou personnels. Pourtant, au moment de fermer les yeux, la nuit, elle revient vous hanter... l'idée fixe.
Un « truc » presque anecdotique comparé à l'imposant projet qui se profile. Je ne suis pas le premier réalisateur à qui cela arrive. De bien plus illustres ont été touchés par cette maladie.
Un cas d'école en guise d'exemple : 1981, le tournage des Aventuriers de l'Arche perdue. Spielberg veut une montagne, « a big mountain », pour l'ouverture de son film. Aujourd'hui, on serait tenté de lui répondre par l'image de synthèse. A l'époque, le producteur, Franck Marshall, avait fait quasiment le tour du monde pour dégoter « the big mountain ». Après moult voyages infructueux et quelques centaines de photos. Marshall était allé voir son copain Steven. « Tu es sûr ? Je veux dire pour la montagne ? On a de très bons décors ici... ou là, regarde. Bon, il n'y a pas de montagne... mais on peut peut-être éventuellement changer ce menu détail ? » La réponse ? « I want a big mountain. » Comme tout le monde le sait, il l'a eue. Et en a fait un gimmick sur tous les Indiana Jones.
Certains types rabougris pourraient rétorquer qu'il s'agit d'un caprice de sale gosse. Et d'autres, bien plus dans le vrai, que l'idée fixe constitue ce type de détails qui font toute la différence. Et que céder, c'est concéder que le film serait « forcément moins bon » que ce qu'on avait en tête.
Quelque part, l'idée fixe, c'est le MacGuffin du réalisateur. J'en ai une sur Ganesha. C'est presque rassurant, me direz-vous. Oui, mais la mienne est particulière. Et Franck Marshall n'étant pas disponible... Dans le texte de Xavier Mauméjean, à un moment clé, il est question d'une maquette d'église. Plus exactement la cathédrale Saint-Phillip dans une version inachevée. Depuis le début de cette passionnante aventure, je nous ai imaginés en train de la filmer, selon une séquence toute spéciale. Mais où -bon sang de bon sang- où trouver une telle œuvre ? Je l'imagine en bois, humble mais à la finition impeccable. Imposante sans s'imposer.
Alors je cherche. J'ai consulté des sites, des centaines de sites web. Du puzzle 3D à l'amicale des modélistes de Birmingham, de la vente en ligne à la construction sur mesure. Il m'est arrivé une fois ou deux d'arrêter ma voiture, croyant avoir aperçu au détour d'une rue « quelque chose ». Mais rien. "Aveugle comme une mouche sur le dôme de la cathédrale St. Paul", dit le proverbe. Vanité de presbyte, me répondrait Xavier Mauméjean. Alors je cherche, écume les vide-greniers, lèche les vitrines des brocanteurs..
N'essayez pas de me demander de modifier, de voir avec l'auteur ou d'arrêter mes caprices. Vous aussi, stoppez votre auto, questionnez votre voisin, vos grands-parents, votre logeuse. C'est une quête plus digne de sens que bien d'autres après tout. Moi aussi, I want a big mountain. Je suis atteint d'une maladie dont je ne veux pas être guéri.
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